En vertu du principe pollueur-payeur, l’Union européenne a instauré un système de permis d’émissions négociable, également connu sous le nom de système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (GES) ou marché du carbone. Ce levier visant des réductions considérables de l’émission de gaz à effet de serre ne cesse d’évoluer depuis sa mise en place en 2005.
En participant au Congrès GAZELEC, vous comprendrez davantage les évolutions réglementaires du marché carbone européen. En effet, des experts sont présents pour dialoguer autour des sujets liés au secteur du gaz et de l’électricité.
A quoi correspond le marché du carbone européen ?
L’Union européenne ambitionne d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. A échéance, l’absorption des GES dans les puits CO2 devrait compenser leur émission. L’aboutissement à un tel équilibre exige néanmoins la mise en place de mécanismes de contrôle des GES émis, mais également une baisse concrète de l’empreinte carbone des activités économiques au sein de l’Union. Le système européen d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SEQE) a été mis en place en réponse à ce besoin.
Dans les faits, les installations industrielles disposent de “droits à polluer” gratuits. A partir du moment où elles dépassent leur plafond, ces entreprises sont dans l’obligation d’acheter des quotas supplémentaires. Pour ce faire, elles ont le choix entre une acquisition via les plateformes d’enchères de l’autorité publique et un achat direct auprès des industries qui ont réussi à réduire leurs émissions de GES. Ces dernières possèdent néanmoins la possibilité de conserver les quotas excédentaires pour les ajouter à ceux de l’année suivante.
Il faut savoir que les prix des quotas sont délibérément élevés afin d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions de carbone. Répondant à la loi de l’offre et de la demande, les tarifs en vigueur augmentent automatiquement dès que les demandes sont plus fortes. Une hausse de prix s’applique également à chaque fois que l’Union européenne abaisse le plafond alloué aux entreprises. Une amende de 100€ par tonne de CO2 excédentaire est imputable aux entreprises dont les quotas acquis sont plus faibles que les GES émis.
Le marché du carbone européen : des ajustements depuis 2013
Le marché européen a fait l’objet de nombreuses réformes structurelles dans le but d’optimiser son efficacité. En 2013, le seuil des 5€ par quota a été franchi. L’UE a donc décidé de vendre 40% de quotas aux enchères, plutôt que de les allouer gratuitement aux entreprises. La proportion de quotas vendus aux enchères ne cesse d’ailleurs d’augmenter. Dans le secteur de l’industrie manufacturière, par exemple, 80% des quotas étaient gratuitement attribués en 2013, contre seulement 30% en 2020. En parallèle, la quantité globale de quotas disponibles aux enchères est progressivement réduite, passant de 400 millions en 2014 à 300 millions en 2015 et 200 millions en 2016. La disponibilité de quotas est de ce fait limitée, ce qui oblige les entreprises à ajuster leurs stratégies.
En 2015, l’UE a adopté la mise en place d’une réserve de stabilité du marché dont l’entrée en vigueur date de début 2019. L’objectif est de tarir les surplus de quotas en circulation pour éviter toute perspective de chute du prix du carbone. Dans les faits, environ 397 millions de quotas excédentaires ont été retirés. Ils sont destinés à être progressivement remis sur le marché lorsque le seuil minimal de quotas fixés par l’UE sera atteint.
Ces ajustements ont porté leurs fruits. Fixé à 7€ par tonne en janvier 2018, le prix du carbone est passé à 25,5€ par tonne au mois de décembre de la même année. Cette hausse est restée constante puisque les prix étaient de 28€ par tonne en mai 2020. D’autre part, une chute significative des émissions de GES a été constatée (9,1% de moins qu’en 2018 sur l’année suivante).
Une révision du marché du carbone européen est en cours d’étude. Il est notamment prévu que le SEQE soit replacé dans le cadre de l’Accord de Paris, un traité international portant sur la lutte contre le changement climatique.
Le marché carbone européen en 4 phases
Le système européen d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SEQE) est évolutif. Depuis son lancement en 2005, il a déjà vu la succession de 4 phases distinctes.
2005-2007 : première phase
Dans le cadre du Protocole de Kyoto signé le 11 décembre 1997 et entré en vigueur en 2005, les 38 pays les plus industrialisés à l’échelle mondiale se sont engagés à réduire leurs émissions de GES d’au moins 5% par rapport aux niveaux d’émissions de 1990. Sur ces trois années, le CO2 était l’unique GES couvert par le SEQE.
2008-2012 : deuxième phase
Cette phase étalée sur cinq ans a particulièrement été marquée par l’intégration de l’Islande, de la Norvège et du Liechtenstein dans le marché du carbone. A partir de cette seconde phase, le système couvre également le protoxyde d’azote de même que les industries appartenant au secteur de l’aviation.
2013-2020 : troisième phase
C’est au cours de ces huit années que la proportion de quotas vendus aux enchères a considérablement grimpé par rapport à ceux alloués gratuitement. Les quotas gratuits ne sont plus attribués au secteur de la production d’électricité, la délocalisation de cette dernière étant complexe.
2021-2030 : quatrième phase
L’intégration du transport maritime dans le système ainsi que la création d’un marché dédié au chauffage des bâtiments et au transport routier constituent les principaux objectifs à atteindre sur ces dix ans. Une réduction annuelle du plafond de quotas fait partie intégrante de ces phases. De 2005 à 2007, le plafond équivalait à environ 2 300 mégatonnes, contre 2 100 mégatonnes entre 2008 et 2013.
Nouvel objectif de l’Union Européenne d’ici 2030
A la fin de l’année 2020, l’Union européenne a ajusté son objectif climat à l’horizon 2030. Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, il a été décidé que la réduction des émissions par rapport aux niveaux de 1990 devrait équivaloir à 55%.
L’objectif est ambitieux mais l’UE se donne les moyens de l’atteindre grâce aux propositions de réforme qui seront appliquées durant la quatrième phase.
L’apparition d’autres marchés du carbone
L’Union européenne est la pionnière du SEQE mais elle n’est pas la seule à avoir mis en place un tel système. Depuis 2021, la Chine a instauré son propre système d’échanges de quotas d’émissions. Les centrales thermiques sont les principales concernées par le marché. Des systèmes similaires sont également mis en place en Corée du Sud ainsi qu’aux Etats-Unis.
A l’issue du Brexit, le Royaume-Uni a adopté un marché du carbone qui lui est propre. Lancé en janvier 2021, le système prévoit des dispositions régissant les rapports entre le pays et l’UE. Un compromis en ce sens a d’ailleurs été signé en décembre 2020, précisant par exemple que les vols à destination du Royaume-Uni au départ de l’Espace économique européen (EEE) doivent être intégrés dans le SEQE de l’Union européenne durant les deux années qui suivent la signature de l’accord de commerce et de coopération. Il est également envisageable que les deux systèmes soient ultérieurement reliés suivant l’exemple de l’association des marchés suisse et européen. Une telle association induit la possibilité d’utiliser les quotas dans les deux systèmes concernés.
21 marchés du carbone ont été répertoriés à la fin de 2021. Les objectifs de réduction des émissions ainsi que les secteurs et gaz couverts dépendent des spécificités de chaque système.
Le marché du carbone européen a certes rencontré quelques difficultés depuis sa mise en place, les différents ajustements ont néanmoins permis de réduire considérablement les émissions de GES. Il remplit de ce fait son rôle et devrait, à terme, atteindre les objectifs fixés. Cet article vous a plu ? Retrouvez notre précédent billet sur les Smarts Grids.